La complainte du progrès
Je voudrais pas crever
Je croa-z-en Dieu
La vraie rigolade
Je mourrai d'un cancer de la colonne vertébrale
La vie, c'est comme une dent
D'abord on y a pas pensé
On s'est contenté de mâcher
Et puis ça se gâte soudain
Ca vous fait mal, et on y tient
Et on la soigne et les soucis
Et pour qu'on soit vraiment guéri
Il faut vous l'arracher, la vie.
Complainte du progrès
1
Autrefois pour faire sa cour
On parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur
On offrait son coeur
Aujourd'hui, c'est plus pareil
Ça change, ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l'oreille
(ah? gudule!)
refrain
Viens m'embrasser
Et je te donnerai
Un frigidaire
Un joli scooter
Un atomixer
Et du dunlopillo
Une cuisinière
Avec un four en verre
Des tas de couverts
Et des pell' à gâteaux
Une tourniquette
Pour fair' la vinaigrette
Un bel aérateur
Pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent
Un pistolet à gaufres
Un avion pour deux
Et nous serons heureux
2
Autrefois s'il arrivait
Que l'on se querelle
L'air lugubre on s'en allait
En laissant la vaisselle
Maintenant, que voulez-vous
La vie est si chère
On dit: rentre chez ta mère
Et l'on se garde tout
(ah! gudule )
refrain 2
Excuse-toi
Ou je reprends tout ça.
Mon frigidaire
Mon armoire à cuillères
Mon évier en fer
Et mon poêl' à mazout
Mon cire-godasses
Mon repasse-limaces
Mon tabouret à glace
Et mon chasse-filous
La tourniquette
A faire la vinaigrette
Le ratatine-ordures
Et le coupe-friture
Et si la belle
Se montre encore rebelle
On la fiche dehors
Pour confier son sort
coda
Au frigidaire
À l'efface-poussière
À la cuisinière
Au lit qu'est toujours fait
Au chauffe-savates
Au canon à patates
À l'éventre-tomates
À l'écorche-poulet
Mais très très vite
On reçoit la visite
D'une tendre petite
Qui vous offre son coeur
Alors on cède
Car il faut bien qu'on s'entraide
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois
Je croa-z-en Dieu
Pourquoi donc les curés portent-ils une robe ?
Sont-ils ou sont-ils pas du sexe féminin ?
Du mâle ont-ils encor conservé le venin ?
A les voir voleter je deviens hydrophobe
Pourquoi vêtir aussi ces malfaisants microbes
De ce grand chapeau plat, de ces plats escarpins ?
Pourquoi pas une fraise, un lourd vertugadin ?
Ajoutez à cela que leur tenue englobe
Du costume de l'homme un nombre d'attributs
M'incitant à ranger cette étrange tribu
Dans un genre spécial à nul autre semblable.
Qu'ils soient classés à part. Et nous voilà venus
A la solution qui paraît souhaitable :
Coupons ce qui dépasse et les lâchons tout nus.
Dans l'métro, ça y sent mauvais
Et on n'a l'y droit d'y rien faire :
"Défense de cracher du sang"
"Défense de fumer des harengs"
"Les places tamponnées sette et uitte
Sont réservotées aux squelettes
Et aux lépreux et aux jésuites
Par ordre de prioritette."
On sort, et là, i faut qu'on jette
Les cadavres dans la corbeille
Et au Luxembourg c'est pareille
"On n'a pas l'droit d'brouter l'oseille"
"I faut tnir les cercueils en laisse"
Faut pas marcher sur le curé"
Et pour se reposir la faisse
Faut qula chaisière se soye tirée.
Viens au bistro c'est bien plus chouette
On peut apporter sa cuvette
On peu cracher tout l'sang qu'on veut
Laisser les cercueils se marrer
Danser le souingue sur le curé
Et fumer des têtes occupées.
Céti pas mieux? Céti pas mieux?
Je mourrai d'un cancer de la colonne vertébrale
Ca sera par un soir horrible
Clair, chaud, parfumé, sensuel
Je mourrai d'un pourrissement
De certaines cellules peu connues
Je mourrai d'une jambe arrachée
Par un rat géant jailli d'un trou géant
Je mourrai de cent coupures
Le ciel sera tombé sur moi
Ca se brise comme une vitre lourde
Je mourrai d'un éclat de voix
Crevant mes oreilles
Je mourrai de blessures sourdes
Infligées à deux heures du matin
Par des tueurs indécis et chauves
Je mourrai sans m'apercevoir
Que je meurs, je mourrai
Enseveli sous les ruines sèches
De mille mètres de coton écroulé
Je mourrai noyé dans l'huile de vidange
Foulé aux pieds par des bêtes indifférentes
Et, juste après, par des bêtes différentes
Je mourrai nu, ou vêtu de toile rouge
Ou cousu dans un sac avec des lames de rasoir
Je mourrai peut-être sans m'en faire
Du vernis à ongles aux doigts de pied
Et des larmes plein les mains
Et des larmes plein les mains
Je mourrai quand on décollera
Mes paupières sous un soleil enragé
Quand on me dira lentement
Des méchancetés à l`oreille
Je mourrai de voir torturer des enfants
Et des hommes étonnés et blêmes
Je mourrai rongé vivant
Par des vers, je mourrai les
Mains attachées sous une cascade
Je mourrai brûlé dans un incendie triste
Je mourrai un peu, beaucoup,
Sans passion, mais avec intérêt
Et puis quand tout sera fini
Je mourrai.
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araigné d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un côté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatres saisons
Ne sont vraimment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurais l'etrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algue
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon ourson, l'ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journées de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir a voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...