Strophes des lieux où s'asseoir
Il n'y a pas d'amour heureux
La rose et le réséda
Le Plongeur
Plongeur à qui tout est la mer
Plongeur à qui tout est amer
Sitôt parti qu'il est venu
Moi qui suis mon propre inconnu
Ma lumière obscurément peinte
Et le silence de ma plainte
Où es-tu moi-même où es-tu
Miroir éteint musique tue
Il y a des eaux si profondes
Que l'homme et l'algue s'y confondent
Il y a de si noirs moments
Que l'être y tombe aveuglément
Il y a des souffrances telles
Que l'âme craint d'être immortelle
Des solitudes absolues
Où même le coeur ne bat plus
Rien ne finit rien ne commence
Raison ne trouve ni démence
D'où je suis que je sois m'efface
Portant mon absence où je passe
Où je vais jamais je ne suis
Et je viens moins que je fuis
Ô même moi partout pareil
Sans yeux sans bouche et sans oreilles
Comme une chose révolue
Comme un mot qu'on ne trouve plus
Plongeur plongeur que tomber mène
Exproprié de tout domaine
Scorie à ta propre coulée
Anneau perdu trace foulée
Porte battante lèvre ouverte
Tout m'est image de ma perte
J'entends si bien le temps saigner
Que tout moment m'est le dernier
Et le temps à mes doigts de verre
A mes genoux se fait calvaire
Le temps qui n'est plus ce qu'il est
Comme un feu mis à son reflet
Un aveugle soufflant sa lampe
J'entends le temps battant ma tempe
J'entends le temps j'attends le temps
Dont vivre meurt la vie étant
Plus avant en lui que je plonge
Le temps devient matin d'un songe
Dont fut le sens d'être oublié
Une fois de moi délié
Strophes des lieux où s'asseoir
Je suis assis au bord des sables
Chantant la mort et les baisers
A l'heure où le ciel embrasé
M'offre portrait reconnaissable
De l'avenir couleur de fable
Je suis assis au bord des vents
Où ne s'entendent que bruits d'ailes
Ne se meurent clameurs que d'Elle
Que d'Elle d'orages Dérivant
Nuages d'après ou d'avant
Je suis assis au bord des mers
Dont les murmures naufragés
Parlent de pays étrangers
Où comme ici vivre est amer
Mais d'autres comme nous s'aimèrent
Je suis assis au bord du temps
Qui bat qui bat vite plus vite
Veut-il vraiment que tu me quittes
Ce coeur fou qui va l'imitant
Je ne puis l'arrêter pourtant
Je suis assis au bord des rêves
Qui sont uniquement de toi
De toi l'étoile sur le toit
De toi la douleur qui fait rêve
De toi l'aube enfin qui se lève
Je suis assis au bord des cris
Au bord des guerres et des drames
J'ai joué j'ai perdu mon âme
J'ai maintenant les cheveux gris
Ce que j'aimais on me l'a pris
A chacun disent-ils son lot
Se lamenter est inutile
M'entendent-ils Qu'entendent-ils
Ceux-là qui sont sourds aux sanglots
Les larmes c'est pour eux de l'eau
Ne sachant qu'acheter et vendre
Ce cri de toi voient-ils comment
Il fut fait de tous les tourments
Tous les feux et toutes les cendres
Comment le peuvent-ils entendre
Siècle martyr siècle blessé
C'est de sang que sa bouche est peinte
Je suis assis parmi les plaintes
De souffrir n'a-t-il pas assez
Passez passants passe passé
La saison vienne avant son tour
Qui n'aura que toi d'horizon
Ô ma raison de déraison
Par qui minuit règne en plein jour
Autre midi n'est que d'amour
Bonheur de l'un n'y étant plus
Payé par le malheur de l'autre
Alors ce chant qui fut le nôtre
Prenant le sens par toi voulu
Avec d'autre yeux y soit lu
Même au-delà de son mourir
Ce fou que je suis aujourd'hui
Si haut ton nom l'ayant conduit
Murs et cieux à partout l'écrire
Nul n'en puisse ou doive plus rire
Assise alors sur les chemins
Nouveaux ouverts de l'outre-azur
Où rien n'a plus même mesure
Le soleil humain dans tes mains
Dis simplement que c'est demain
Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous les deux
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda