Le gai désespoir

Le gai désespoir décrit par A. Comte-Sponville consiste à se débarrasser de nos espérances, c'est à dire, en gros, de nos rêves utopiques. Pour être plus précis, voici comment il définit l'espérance, par opposition au désir :

- l'espérance est un "désir sans jouir", dans le sens où l'espérance est un désir qui porte sur ce qu'on n'a pas, ou sur ce qui n'est pas : c'est un désir selon Platon, quand il écrivait que "le désir est manque". C'est le plus souvent un désir qui porte sur l'avenir. L'espérance existe tant qu'elle n'est pas réalisée, tant qu'on n'en jouit pas. Par exemple, un enfant peut désirer très fort avoir un jouet avant Noël, mais, dès que son désir est comblé, il s'en lasse, car ce qu'il désirait ne manque plus ! Dans ce cas on peut parler d'espérance.

- l'espérance est un "désir sans savoir", car nous n'espérons que des choses que quand nous sommes dans l'ignorance. Par exemple nous espérons qu'un ami malade se porte mieux, parce que nous n'avons pas de ses nouvelles et nous ne savons ce qu'il en est.

- l'espérance est un "désir sans pouvoir", car on désire quelque chose qui ne dépend pas de nous (par exemple : j'espère qu'il fasse beau demain).

Il est donc avantageux se débarrasser autant que possible de ces espérances qui nous font miroiter des choses qu'on ne peut pas avoir ou qui n'ont plus d'intérêt une fois possédées, et n'agir que dans le domaine des possibles, des "désirs".

En effet on peut désirer ce dont on jouit (cela s'appelle le plaisir, et chacun sait qu'il y a une joie du plaisir), on peut désirer ce qu'on sait (cela s'appelle connaître, et chacun sait qu'il y a une joie de la connaissance, du moins quand on aime la vérité), on peut désirer ce qu'on fait (cela s'appelle agir et chacun sait qu'il y a une joie de l'action).